Jour 20 : du nez pour une péninsule
Au revoir Kanazawa, nous partons pour la péninsule de Noto (能登半島).
Notre hôtesse nous raccompagne gentiment à la gare, il faut dire que c’est un sacré plus avec nos bagages…
Le périple est assez simple : train express de Kanazawa jusqu’à Nanao, un trajet qui offre la vision du Japon que je préfère, avec en premier plan des rizières bien vertes (« ça fait tout doux » disait Mimi) où se plante un héron blanc à l’affût de son repas, puis en second plan des maisons – toutes différentes et de tous âges – et un petit sanctuaire, enfin en arrière plan des collines recouvertes de forêt primaire.
Une fois à Nanao – quasiment le terminus de cette ligne qui désormais ne s’aventure plus jusqu’à la côte Nord – voilà que Mimi et Babichou ont oublié leur casquette dans le train…
Et là, illustration intéressante de la différence culturelle : pour Papi les casquettes sont perdues, bah oui, tout simplement parce qu’en France elles seraient effectivement perdues (pas pour tout le monde sans doute).
Mais on est au Japon oui ou zut ? Moi, je suis persévérant-persévérant, alors il faut laisser parler le bouledogue en soi parfois et c’est justement le moment rêvé 🙂
Note : l’entièreté de l’absence d’anglais dans la scène décrite ci-après est absolument authentique et devient le second effet spécial le plus cher de l’histoire du cinéma, certes loin derrière la défaite de Chuck Norris contre Bruce Lee dans la Fureur du Dragon.
On dégaine le téléphone, qui aura peut-être su traduire « nous avons oublié dans le train une casquette de femme bleue et blanche, et une casquette d’enfant bleue » : le contrôleur de quai semble comprendre et nous envoie vers le petit bureau d’information de la petite gare de Nanao.
La personne du bureau d’information nous pose des questions complémentaires : pour le peu que nous comprenons, quelque chose du style « dans quel train ? », « quand ? ».
Il décroche le téléphone et appelle… le train ?! A son interlocuteur il décrit les objets, donne les numéros de place et la suite de la conversation, complètement insensée parce que nous sommes habitués à la France : « elles y sont ? … OK elles y sont, merci ».
WTF! (*)
(*) : traduisible pour tout public par, au choix, « mille millions de mille sabords » ou encore « by jove » ou « par les saintes culottes de Mac Gregor », pour rester sur les influences de Babichou du moment.
Il nous explique ensuite qu’il faudra aller à la gare suivante, le terminus de la ligne, pour les récupérer.
Devenus maintenant parfaitement bilingues et portés par ce succès juste incroyable, nous enchaînons avec deux réservations de train pour le lendemain : Mimi et Matthieu gagnent un niveau.
Avec ce petit quart-d’heure perdu, étant donné le trajet qui nous reste, nous ne pouvons plus que manger sur le pouce dans un sushi bar de petite ville de province (façon boui-boui pas cher trop bon, qui n’a pas changé d’un poil depuis 30 ans), avant de récupérer la voiture de location (même modèle, même couleur qu’à Nagano : la même exactement ?).
Petit détour par la gare de Wakuraonsen pour récupérer les casquettes : encore une scène totalement en VO, et la joie mêlée d’étonnement de récupérer notre bien.
Il est grand temps de filer vers le bourg Noto-cho (能登町), où nous attend notre ryokan.
L’heure et demie d’itinéraire côtier file à toute vitesse – avec des pointes délictueuses à 60 km/h – et nous nous retrouvons pour ainsi dire au bout du monde, au ryokan Hyakurakuso.
Construit à flanc de falaise, dans une crique de la Mer du Japon, il représente très bien le style moderne de l’auberge traditionnelle : service et architecture d’intérieur traditionnels, mais tout le confort moderne.
Pour le check-in on vous conduit dans une pièce privative, puis une femme en kimono vous conduit à votre chambre, avec toutes les explications sur les repas, heures d’ouvertures des bains, etc.
La chambre a la particularité d’avoir un balcon avec vue sur la crique et les falaises de forêt primaire qui plongent dedans.
Passage par le bain avec le Babichou : à cette heure, c’est le bain « dans la grotte » qui est ouvert pour les hommes, auquel on accès par un tunnel au dernier niveau.
C’est artificiel, mais très bien fait, et pour Babichou c’est forcément la batcave qui fait office de bain, où s’asperger d’eau chaude avec le baquet de bois et, ensuite, tremper dans ce que je lui rappelle bien ne pas être une piscine l’amusent beaucoup.
Il y a même de grands baquets en extérieur pour profiter de la vue sur la crique, tout en prenant son bain.
Vient ensuite l’heure du dîner, dans la grande salle à manger cloisonnée en pièces privatives.
Forcément de cuisine Kaiseki (懐石), il semble, comme d’habitude, impossible d’en venir à bout.
A noter que le repas enfant servi à Babichou est apporté dans une grande boîte à bento qui ressemble à une mini commode portative : on est trop jaloux 🙂
En remontant dans la chambre, les futons ont été disposés et il ne reste plus, pour Babichou et moi-même, qu’à suivre notre petit rituel : un épisode de Tintin ou Blake et Mortimer, et dodo.
Jour 21 : le balcon changé en arche et le long périple vers Nagoya
Je me réveille avant l’aube, comme d’habitude, ce qui me permet de profiter du balcon dès le lever du soleil : il fait moche mais relativement chaud, en tous cas suffisamment pour ne pas avoir froid en yukata (浴衣).
Une cigale des Galapagos gît, apparemment morte : je la photographie au macro, presqu’à la toucher, sans qu’elle ne bouge d’un poil.
Soudain la pluie se met à tomber et, quand je dis pluie, c’est une pluie « tropicale » : il pleut averse, ce qui – combiné à la chaleur et la vue sur la crique et ses falaises recouvertes de forêt primaire – est des plus agréables.
Les grenouilles se mettent à chanter en chœur, puis c’est au tour d’un scarabée gros porteur (cf 1001 Pattes) de se poser sur le balcon, avant de repartir : il cale au premier déploiement d’ailes, mais redonne un bon coup de starter et réussit à décoller.
A ce moment, un oiseau l’ayant aperçu fond sur lui, sans doute dans l’espoir d’en faire son repas, avant de réaliser in extremis de qu’il s’agit et repartir illico quasiment en marche arrière (sic !).
De grandes libellules annelées de jaune et noir slaloment entre les gouttes, à notre hauteur, alors que nous sommes facilement à une quinzaine de mètres au-dessus de la mer et du rivage.
Il est temps de commencer à se préparer, en retournant prendre un bain dans la « batcave » : c’est amusant de se plonger dans les baquets à l’extérieur, sous la pluie.
Pour le petit déjeuner, notre salle à manger personnelle est en bord de mer, séparée uniquement par une vitre d’un ponton, où de jeunes mouettes sont posées, toutes piteuses sous l’averse qui continue de tomber.
L’une d’entre elle, rejoignant le groupe, rate même son atterrissage et se cogne sévèrement le menton sur le ponton : elle restera un moment dans l’eau, incapable de monter.
Le repas, un peu comme le dîner, est copieusement traditionnel et donc, traditionnellement copieux.
Nous profitons encore un peu de la chambre avant de partir : nous souhaitons passer par la côte Nord et des rizières en terrasses, ce que nous n’avons pas eu le temps de faire la veille.
Le trajet s’effectue en grande partie sous l’averse qui continue de tomber et fait presque déborder les torrents qui bordent la route.
Mais le spectacle en valait la peine : des rizières en terrasses, côtières qui plus est, n’est pas ce qu’on voit tous les jours par chez nous.
D’ailleurs, l’endroit semble attirer pas mal de monde, puisque le parking prévu à cet effet est déjà plein de voitures et même d’un car ou deux.
Nous repartons en direction de Nanao et par la grâce d’excès de vitesse criminels (on se fait malgré tout doubler par des camions) avec une pointe à 100 km/h pendant quelques secondes, nous gagnons le temps de casse-croûter avant de rendre la voiture.
J’espérais que l’agence de location nous ramène en voiture à la gare, mais ils nous offrent à la place le taxi : même si cela représente une course à moins de 6€, c’est tout de même sympa !
Commence alors le long périple de presque 5h vers la dernière étape de notre voyage : Nagoya (名古屋市).
Train de banlieue local vers Kanazawa, train express vers Maibara, shinkansen vers Nagoya, train de banlieue local dans Nagoya et enfin, métro.
Nagoya, où jusqu’à présent nous n’avons qu’une brève halte d’une heure en 2008, est une ville sur laquelle les guides ne s’étendent jamais beaucoup, peut-être parce qu’entièrement détruite pendant la guerre et donc entièrement reconstruite après.
Pourtant, c’est la 3ème plus grande ville du Japon et la 4ème la plus peuplée : il y a donc nécessairement des choses à y voir et y faire, qui plus est parce que c’est un bon camp de base, au centre du Japon, vers quelques belles excursions que nous n’avons encore jamais faites.
Nous sortons du métro alors qu’il fait nuit, et qu’il pleut averse !
Horreur ! Malheur !
Sous l’averse, de nuit, avec les bagages, après un long voyage, obligés de traverser un grand axe routier via un passage souterrain : je pense que nous arrivons à l’appartement aussi piteux que les jeunes mouettes du matin 🙂
Notre hôtesse nous attend, fort sympathique et parlant un excellent anglais.
L’appartement est super et franchement grand pour les standards japonais : 3 chambres, au-moins 50m².
Pendant que Papi et Mimi défont les valises, Babichou et moi-même bravons à nouveau l’obscurité et les éléments pour aller chasser, pêcher et cueillir le repas du soir.
Comme on dit chez nous : le lit sera bon.